La technique
En effet, on pourrait dire que la force du discours ontologique et la terminologie spécifique employée par Heidegger conduit à une certaine désaffection de la réalité par un exercice d’abstraction intense. De quel homme et de quelle technique traite Heidegger? Et comment alors aborder la question de la technique telle qu’elle se présente à nous dans notre quotidien, en des termes concrets et actuels?
Nous ne sommes pas ici pour faire le procès d’Heidegger qui, indiscutablement, a amorcé toute la réflexion philosophique moderne sur la technique et a, ce faisant, plus qu’influencé grand nombre de philosophes dont les auteurs que nous allons étudier ici.
Le premier de ces auteurs est Jacques Ellul (1912-1994). Bien que resté relativement peu connu en Europe continentale, il jouit d’une grande réputation outre-Atlantique dès la parution de La Technique ou l’enjeu du siècle en 1954. Historien, sociologue et philosophe, il développa, durant les trente années qui suivirent cette première publication sur le sujet, une méticuleuse analyse de la société moderne technicienne. La pensée d’Ellul ne se contente pas d’une analyse des usages et des fins de la technique, elle cherche aussi à nous faire comprendre sa logique interne et sa raison d’être. Ce philosophe ne se limite donc pas à une recherche épistémologique, mais il tente également d’apparenter sa réflexion sur la technique et la société à une éthique de la technique.
C’est sans doute le consensus progressiste inhérent à la reconstruction