La tentation du romanesque dans les confessions
« Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature, et cet homme ce sera moi. » Malgré la déclaration d’intention de l’auteur, est-ce que la tentation du romanesque est perceptible dans Les Confessions ?
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Dans le préambule primitif des Confessions, Rousseau se targue d’avoir fait un ouvrage « unique et utile » par sa véracité : « Oui, moi, moi seul, car je ne connais jusqu’ici nul autre homme qui ait osé faire ce que je me propose. »1 La question de la vérité est donc au cœur de son entreprise, comme l’indique sa devise, « Vitam impendere vero »2. Pourtant, Les Confessions constituent un ouvrage très littéraire, qui se donne à lire « comme un roman » aux dires de plusieurs critiques3. En effet, aucun lecteur des livres I à IV ne peut manquer de remarquer ce phénomène. J’ai l’intention d’en suivre les traces dans le texte des Confessions et, dans un deuxième temps, d’en considérer les raisons et les conséquences pour notre lecture de cette autobiographie « modèle ». En principe, l’autobiographie et le roman sont opposés. Même sans se plier à la fameuse définition de Philippe Lejeune — « récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu’elle met l’accent sur la vie individuelle, en particulier sur l’histoire de sa personnalité »4 — les deux genres paraissent incompatibles. Nous essayerons de répondre à la question de savoir si la présence du romanesque dans Les Confessions diminue ou non l’attrait de ce livre. Nous allons donc interroger d’abord le sens de cette « tentation du romanesque », telle qu’elle se manifeste dans le texte des Confessions et, dans un deuxième temps, considérer les problèmes qui se posent pour l’ambition déclarée de Rousseau, celle de « dire vrai ».
Rousseau lui-même était bien conscient de tous les charmes du romanesque. En effet, même à un jeune âge, il était naturellement prédisposé à être dramatique et romantique dans tous ses