La tolérance
La tolérance est une attitude qui aujourd'hui va de soi. Elle apparaît comme une des vertus suprêmes de notre époque moderne, comme ce qui est de l'ordre de l'obligation morale : il faut être tolérant. Elle représente pour beaucoup une conquête de l'esprit des Lumières sur l'obscurantisme religieux en même temps qu'un progrès lié à la démocratie.
Mais derrière ces évidences, la tolérance suppose et implique des enjeux à la fois épistémologiques, axiologiques et politiques: n'est-elle pas en effet la conséquence d'un certain scepticisme qui suppose que toute valeur et toute vérité sont relatives et que toute attitude universalisante ne peut être qu'illusoire ? De même, ne remet-elle pas en cause la valeur de la démocratie en traduisant une indifférence et un laisser-faire vis-à-vis des lois? Loin d'être cette vertu suprême qui nous obligerait, n'apparaît-elle pas alors plutôt comme l'une des conséquences majeures du nihilisme contemporain ?
I - Nos sociétés démocratiques sont fondées sur le pluralisme et la relativité des valeurs impliquant le respect des opinions individuelles et de la liberté de conscience et d'expression dans la mesure où elles ne portent pas atteinte à l'ordre public (pornographie, pédophilie, nazisme, etc ...). Ainsi tolère-t-on autrui, même si l'on est d'un autre avis sur sa manière de penser (en politique par exemple) ou de vivre (homosexualité, etc...).
Une telle attitude se justifie par le caractère fini, dont parlait déjà Bayle, de la connaissance humaine: nous ne pouvons connaître la vérité, ni en déterminer les critères absolus. La tolérance consiste à respecter le droit inaliénable de l'individu à penser conformément à ses propres convictions parce qu'il n'y a pas en effet de vérité, ou de principe transcendant absolu, et traduit par là le règne du subjectivisme: toutes les opinions se valent et tout le monde a le droit de les exprimer. L'Etat lui-même, comme l'affirmait Locke dans sa Lettre sur la