La traites des blanches
Depuis la fin du XIXe siècle, une rumeur circule régulièrement en France : d’innocentes jeunes filles de bonne famille seraient arrachées à leurs familles, violentées et acheminées dans un autre pays où un réseau criminel les prostituerait contre leur gré. Fort heureusement, une poignée de citoyens engagés aurait héroïquement combattu cette « traite des Blanches », au nom des droits de l’homme. Mais quelle est la réalité de cette histoire, qui trouve des échos encore aujourd’hui ? Au terme d’une vaste enquête dans les archives de la Société des nations, Jean-Michel Chaumont en démontre les aspects mythiques. Derrière d’apparents bons sentiments apparaissent alors toutes les ambiguïtés de l’expertise sociale. En quoi cette histoire de traite des Blanches est-elle, selon vous, un mythe ?
Au départ, je n’avais aucune raison de douter : pour avoir longtemps étudié les crimes et génocides nazis, je savais le pire possible. Cependant une enquête en milieu policier m’avait déjà conduit à relativiser certains lieux communs sur les réseaux mafieux. La traite des êtres humains censée être contrôlée par la criminalité organisée s’appelait jusqu’en 1949 la traite des femmes et des enfants et, jusqu’en 1921, la traite des Blanches. Cette expression faisait référence à la traite des Noirs qui venait d’être abolie, lorsque les premières dénonciations publiques d’enlèvements et de prostitution forcée de jeunes filles innocentes apparurent vers 1880. Un scandale à Bruxelles y a joué un rôle fondateur et, avec quelques collègues, nous sommes retournés aux archives… Ce que nous y avons trouvé ne correspond pas à ce que l’histoire a retenu. Il y eut bien collusion entre des policiers et des tenanciers de bordels, des abus criminels furent perpétrés mais ils concernaient en tout trois