la vie de reve
La reproductibilité technique chez Walter Benjamin
Anne BOISSIERE1
Résumé
On s’efforce de resituer la conception de la reproductibilité technique chez Walter Benjamin dans le contexte historico-politique qui lui donne son sens. La reproductibilité technique ne relève pas d’une problématique ontologique, celle à partir de laquelle on aborde en général la question de la copie en des termes qui sont platoniciens. Benjamin ouvre une problématique qui est esthétique : il élabore une conception qui est dialectique de la perception, à travers l’art et les mutations de l’art liées au développement de la technique.
L'idée de la « reproduction mécanisée » ou de la « reproductibilité technique », selon les traductions, paraît s'imposer dans un séminaire qui porte sur la copie, partant de l'équivalence simple et commune entre copier et reproduire. Dans son essai L'oeuvre d'art à l'ère de sa reproductibilité technique2, Walter Benjamin élève ce thème de la reproduction au rang de fil directeur de sa réflexion sur la photographie et le cinéma. Le thème benjaminien de la reproduction n'est pas sans lien avec la conception commune de la copie comme reproduction. Avec la photographie et le cinéma, d'une certaine manière, il n'y a plus que des copies c'est-à-dire des reproductions : pour l'image photographique dans la multiplicité des tirages que permet le négatif ; pour le film dans la multiplicité des bandes projetées sur l'écran. La photographie et le film, vivant désormais d'une existence structurellement multiple, remettent en cause l'unicité de l'oeuvre d'art à laquelle nous lions notre représentation de l'oeuvre d'art, et notamment de la peinture. Cet aspect structurellement sériel de la photographie et du film, en rupture avec la peinture et plus généralement avec la conception de l'art que nous nous sommes forgée depuis