La vérité romanesque
La “vérité” romanesque: trois manières de l’aborder – ou de la mettre en question
Tables des matières
Introduction
La voix narrative dans les liaisons dangereuses
Les Liaisons dangereuses (1782) met en scène un entrecroisement de lettres. Ces lettres volent entre les différents personnages comme des flèches empoisonnées. Il y a des entrecroisements non seulement entre les personnages, mais aussi entre les niveaux narratologiques. Est-ce que c’est l’histoire qui guide les lettres (le texte), ou les lettres qui dominent les événements de l’histoire ? L’argument sera que l’histoire semble contenir en elle-même des parties du texte, et que les lettres finissent par avaler l’histoire en s’inscrivant sur elle. Valmont et Merteuil utilisent des lettres et donc des mots comme armes et aussi comme moyen de s’inventer. Les lettres sont simplement un moyen de déchiffrer les actions et les pensées des personnages qui les ont écrites. Le texte est donc l’esclave de l’histoire qui le moule. Dans Les Liaisons dangereuses on trouve un texte qui moule à son tour l’histoire.
Dans Narratology : Introduction to the Theory of Narrative (2004), Mieke Bal divise l’œuvre narrative en trois niveaux : le fabula, l’histoire et le texte. Le fabula comprend une série d’événements en ordre chronologique ; les événements sont les changements de situation subis ou causés par les actants. D’habitude, les événements se suivent et laissent voir une relation causale ; ce concept provient de la Poétique d’Aristote ; selon lui, les événements dans les tragédies classiques s’unissent et se perpétuent comme des maillons d’une chaîne. Le second niveau dont parle Bal est l’histoire. Dans l’histoire, les actants deviennent des personnages ; c’est-à-dire qu’ils sont définis par leurs caractères au lieu de leur seule fonction dans la suite des événements. La focalisation entre en jeu à ce niveau-ci. Les événements et les personnages sont perçus par quelqu’un ou quelque