Le bushingantahe au burundi : transformations et réminiscences d’un concept judiciaire ancien
première version d’un article paru dans : LAJP (éd.), Cahiers d’Anthropologie du Droit 2009, Paris, Karthala, 2010, pp. 113-128 Depuis les années 1990, la région africaine dite « des Grands Lacs » est surtout connue pour les guerres et les catastrophes humanitaires qu’en rapportent les médias internationaux. Génocide au Rwanda, massacres et viols massifs dans l’Est du Congo, au Burundi ou en Ouganda : les principales images qui parviennent de la région sont celles de conflits récurrents, suggérant parfois l’idée de dé-régulation sociale voire d’anomie généralisée. Pourtant, l’une des particularités de la région tient à ses systèmes traditionnels de gestion des conflits. Liés au fonctionnement des anciennes monarchies qui couvraient la zone avant la colonisation, ces systèmes étaient tout aussi divers que spécifiques. Ils dérogeaient, à bien des égards, aux généralisations et stéréotypes rattachés à « la » manière de penser la justice en Afrique ante-coloniale1. Aujourd’hui, la réhabilitation des institutions anciennes et leur réintégration au système judiciaire de l’État est parfois perçue comme un moyen de sortie de crise. Depuis la fin des années 1990, les études et rapports d’experts se multiplient, préconisant la reconnaissance institutionnelle des autorités ou des organes identifiés comme « traditionnels ». Au Burundi, ce sont les bashingantahe qui font l’objet de ce débat. Notables locaux continuant à être investis par la population dans la plus grande partie du pays, les bashingantahe interviennent, aujourd’hui encore, comme médiateurs ou conciliateurs dans le cadre de conflits familiaux ou de voisinage. La plupart des conflits, avant d’être soumis aux tribunaux, connaissent une intervention de ces notables. Parfois même, les tribunaux réclament la production d’un document signé par les bashingantahe pour accepter de se