« Le but du théâtre ne peut pas être une recherche d’ordre intellectuel, mais plutôt une révélation d’ordre sentimental.»
Pendant la guerre des années quarante, les dramaturges, qui ne pouvaient échapper aux affrontements politiques et idéologiques, ont abondamment utilisé le théâtre comme moyen de transmission de leurs idées. Ce théâtre engagé, issu des théories de Brecht, vise à faire réfléchir le spectateur sur le monde, voire à l’embrigader. Louis Jouvet, dans ses Témoignages sur le théâtre en 1952, réagit contre cette forte contamination du théâtre de son temps par le discours didactique, en opposant deux modes de réception du spectacle théâtral :
« Le but du théâtre ne peut pas être une recherche d’ordre intellectuel, mais plutôt une révélation d’ordre sentimental.»
Cette affirmation antithétique, qui fonctionne sur un strict parallélisme des termes, est polémique. En effet, Jouvet, très catégorique, se situe à contre courant d’un théâtre engagé et antiaristotélicien très présent à cette époque. Il se positionne contre l’opinion commune qui admet généralement que le théâtre a avant tout des idées à faire passer au spectateur dont le rôle est de faire l’effort de « rechercher » ce que le théâtre a à lui dire. Au contraire, Jouvet revient à un théâtre plus immédiat en mettant en valeur le primat des sentiments et des sensations d’un spectateur passif, en opposition à une sollicitation intellectuelle. Jouvet rappelle ainsi qu’il n’est pas besoin d’être un intellectuel pour aller au théâtre. En définitive, il n’y a rien à comprendre au théâtre, mais il y a à ressentir. Ainsi, Jouvet revalorise le théâtre en tant qu’expérience sensible capable d’émouvoir le plus grand nombre. L’affirmation de Jouvet est donc à double tranchant : d’une part, Jouvet oppose un théâtre d’intellectuels à un théâtre des sentiments, et d’autre part, il privilégie un état passif du spectateur dans la position réceptive d’une « révélation », contrairement à une démarche de « recherche » active du spectateur. Dans quelle mesure la communication théâtrale se fonde-t-elle sur la réception