Le cauchemar
Le renouvellement des images de songes entre 1790 et 1850 se manifeste surtout en gravure et dans le domaine du livre illustré qui, faut-il le rappeler, connaît un développement exceptionnel sous la Monarchie de Juillet. Deux raisons peuvent être invoquées. D’une part, les rêves s’intègrent fréquemment dans des récits littéraires et la pratique renouvelée de l’illustration se révèle particulièrement ajustée aux visions oniriques. D’autre part, l’alternance entre les noirs et les blancs, qui est au principe de la gravure, semble coextensive de l’expérience des hallucinations, sur fond de nuit.
Avant d’entrer en matière, rappelons les valeurs que les contemporains de Füssli ou de Grandville attribuaient au rêve ou au cauchemar. Toute une tradition philosophique ou pseudo-scientifique se fonde sur les écrits d’Aristote et fait découler les rêves d’expériences sensorielles et de processus somatiques. Albert Béguin note que la seconde moitié du XVIIIème siècle connaît un foisonnement d’écrits critiques consacrés aux songes. Hobbes, Voltaire ou Diderot s’attaquent à la dimension prophétique des rêves, issue de la pensée