LE CHANGE PAUL CLAUDEL
Introduction
[Amorce] Le théâtre offre de nombreux exemples de mises en abyme, de « théâtre dans le théâtre » où des personnages d’acteurs sont sur scène en train de jouer (L’Illusion comique de Corneille, Les Acteurs de bonne foi de Marivaux ou Cyrano de Bergerac de Rostand). [Présentation du texte] Dans L’Échange, Paul Claudel met en scène une comédienne, Lechy Elbernon : elle n’est pas en train de jouer, mais elle parle de son métier d’actrice, de ses impressions sur scène. [Annonce des axes] Elle donne, dans ses répliques, une image originale du public, être étrange qu’elle côtoie tous les soirs [I], et, en même temps, elle exprime sa conception du théâtre [II], dans une langue plus poétique que théâtrale [III].
I. Le public de théâtre, mille corps en un seul
Du texte se dégage une définition originale du public de théâtre.
1. Un être de chair
Lechy Elbernon souligne la dimension physique du public par la métaphore « de la chair vivante et habillée » (l. 18) et par la métonymie de « l’œil » et de « l’oreille » qui le désignent (l. 33). Elle le définit essentiellement par les sens : il « entend », il « voi[t] » ; ils « écoutent », « regardent ».
La comparaison avec la « maison vide » indique qu’il a au contraire « l’esprit » vide.
L’animalisation (« comme des mouches, jusqu’au plafond », l. 19) souligne sa présence concrète et palpable.
2. Une masse, un personnage collectif hétéroclite…
Les spectateurs, « assis par rangées les uns derrière les autres » (l. 5), sont présentés comme un groupe qui apparemment fait corps, comme en témoignent la fréquence des pronoms personnels pluriel (« ils »), le pluriel « comme des mouches » (insectes réputés pour pulluler), le verbe « garnissent » (l. 19) qui suggère la multitude ainsi que le jeu sur le chiffre « centaines » (l. 20).
Les spectateurs sont anonymes, dépourvus de traits du visage : ce sont « des visages blancs » (l. 20), couleur connotant le vide, l’absence de traits. Ils sont réunis