Le cid
DON RODRIGUE Que votre majesté, sire, épargne ma honte. D'un si faible service elle fait trop de conte, Et me force à rougir devant un si grand roi De mériter si peu l'honneur que j'en reçoi. Je sais trop que je dois au bien de votre empire Et le sang qui m'anime, et l'air que je respire ; Et quand je les perdrai pour un si digne objet, Je ferai seulement le devoir d'un sujet.
DON FERNAND Tous ceux que ce devoir à mon service engage Ne s'en acquittent pas avec le même courage ; Et lorsque la valeur ne va point dans l'excès, Elle ne produit point de si rares succès. Souffre donc qu'on te loue, et de cette victoire Apprends-moi plus au long la véritable histoire.
DON RODRIGUE Sire, vous avez su qu'en ce danger pressant, Qui jeta dans la ville un effroi puissant, Une troupe d'amis chez mon père assemblée Sollicita mon âme encor toute troublée... Mais, sire, pardonnez à ma témérité, Si j'osai l'employer sans votre autorité : Le péril approchait ; leur brigade était prête ; Me montrant à la cour, je hasardais ma tête. Et