La Quarantaine peut être défini un roman symbolique à valeur d’initiation; il s’agit toutefois d’un roman qui dépasse les limites imposées par un genre donné pour suivre un parcours à l’enseigne de la liberté. L’œuvre, inspirée d’un fait autobiographique (le séjour forcé du grand-père de l’auteur sur l’île Plate, à cause d’une épidémie de variole), raconte l’expérience de Léon (dans la fiction, frère du grand-père) sur cette île, parcours qui se révèle une véritable ascèse. La structure de l’œuvre apparaît plutôt complexe : elle est divisée en quatre parties désignées par un titre au milieu d’une page blanche qui signale le décrochage ; ces parties sont imbriquées l’une dans l’autre à travers une construction en miroir. La voix dominante est celle du petit-neveu du Disparu, prénommé comme lui, Léon. Il s’agit d’une voix fictive qui parle à la première personne et qui se révèle non sans lien avec la voix même de Le Clézio. Cette voix déjà double ouvre et ferme le roman. Dans les « prologues », « Le voyageur sans fin » et « L’empoisonneur », le narrateur (Léon le jeune) raconte les deux rencontres de Jacques, son grand-père, avec Rimbaud.
La présence du poète est d’une importance primordiale car elle se révèle étroitement liée au mythe du voyage qui sous-entend le roman; ainsi, dans ces deux prologues, situés dans les années 80, le narrateur remonte le fil de sa mémoire pour rejoindre le temps de ses grands-parents, Jacques et Suzanne. Toutefois, le point de vue que l’auteur tente d’imaginer n’est pas tant celui de Jacques, mais celui de son frère Léon, car c’est lui qui aurait suivi les traces du poète. Ces deux parties anticipent le voyage de Léon, le Disparu (objet de la troisième partie), qui se confond au voyage de l’écriture : Celui que je cherche n’a plus de nom. Il est moins qu’une ombre, moins qu’une trace, moins qu’un fantôme. Il est en moi comme une vibration, comme un désir, un élan de l’imagination, un rebond du cœur, pour mieux m’envoler.