Le crapaud, tristan corbière
Peu gâté par la nature, rachitique, laid et tuberculeux, Corbière publie son recueil Les Amours jaunes à compte d'auteur en 1873. Le titre est déjà très révélateur par les connotations de la couleur jaune: dans la symbolique, en Occident, le jaune connote la richesse, la joie car il est la couleur de l'or et du Soleil. Mais il évoque encore les traîtres, les faussaires, les femmes adultères ou les fous (symbole de la haine). Ainsi dit-on que le jaune est « la couleur des cocus ». Quant à la tuberculose, on l’appelait aussi la fièvre jaune. La « balance » pèse du côté des associations négatives et le titre a valeur de paradoxe : l'expression lyrique des sentiments (amours) sera constamment associé au rire (jaune), aux ricanements et aux sarcasmes. C’est un poème qui se lit à rebours pour lequel, ironiquement, un effet de surprise est ménagé, et la chute finale est bien le point de départ. Tout surprend ici lorsque l’on analyse : la forme, l’objet, la vision de soi, la conception du poète et de la poésie…
I/ Une forme surprenante et une syntaxe chaotique
Sonnet à l'envers, mais qui semble respecter en partie certaines règles.
Rimes des quatrains embrassées, avec alternance des rimes féminines et masc mais pas entre les quatrains avec 4 rimes au lieu des 2 traditionnelles. EL(e) - OA - IER 2 tercets avec rime suivie ER + 2 rimes embrassées OMBR(e) - IF
Une typographie particulière met en valeur le dernier vers par une ligne de pointillé, ce dernier vers traditionnel est une chute, savamment orchestré, préparé dans le sonnet traditionnel.
Sonnet en octosyllabes au lieu du décasyllabe ou de l'alexandrin habituel, avec un vers qui pose problème « Vois-le, poète tondu, sans aile, » qui fait neuf pieds sans la synérèse très malsonnante de poè-te. Vers bancal de toute façon, comme l'animal et celui qu'il représente.
La syntaxe est elle aussi déroutante : - par des phrases brèves, nominales, juxtaposées,
- par des phrases coupées par les points de