Le dernier jour d un condamne document specifique
Une stratégie protestataire du déroutement
I. Une monstruosité littéraire
1- L'anonymat du personnage
Dans un premier temps, nous nous intéresserons au statut singulier du personnage : le condamné à mort. Avant tout, on doit souligner l'originalité de Victor Hugo dans la mesure où il met en place, dans son œuvre, un nouveau mode d'écriture qui s'articule autour du je.
Ce roman à la première personne n'a rien à voir avec le roman par lettres, ou encore l'autobiographie telles que Les Confessions de Rousseau. Le je du Dernier jour d'un condamné n'est ni autobiographique, ni lyrique, ni fictionnel.
En fait, on note, dans la relation auteur/ narrateur/ personnage qui constitue tout texte littéraire, l'absence du narrateur, privé de toute parole spécifique. Il s'agit donc d'un pur discours puisqu'il relève d'une expression immédiate, directe, une parole jaillissante, sans aucune instance - sinon le personnage - pour assumer l'énonciation. Et lorsque le condamné quitte pour un temps son énonciation au présent, ce n'est que pour se dédoubler. On a alors affaire à un je témoin du passé narré face à un je observateur, au moment même où il écrit.
C'est le cas, par exemple, du second chapitre qui constitue un retour en arrière de la part du condamné. On peut noter le dédoublement du je dans de nombreuses phrases telles que :
" maintenant, je distinguais clairement comme une clôture entre le monde et moi. "
Ensuite, le lecteur découvre un pronom sujet dont la singularité est sa référence vide.
En effet, tout ce qui fonde un personnage de roman, identité, lieu, histoire, est ici absent.
A aucun moment, le condamné ne déclinera son nom ou encore son origine. Le lecteur est amené à le deviner par d'infimes indices parsemés dans le texte, tels que, au premier chapitre, la phrase " mon esprit, jeune et riche, était plein de fantaisies ".