Le desir
Mais PLATON utilise dans le Banquet un autre mythe, raconté cette fois par la prêtresse Diotime (Banquet , 2O3ac) : Eros (= le désir amoureux) a été conçu le jour de la naissance d'Aphrodite, après le festin que les dieux, parmi lesquels Poros ("la ressource", "la richesse"), donnèrent en cet honneur. Penia ("la pauvreté", "l'indigence"), une mendiante qui passait par là, eut l'idée de mettre à profit l'occasion qui se présentait en se couchant auprès de Poros, qui s'était endormi tout enivré de nectar. C'est ainsi que naquit Eros. Le désir, tel qu'il apparaît à travers ce mythe, n'est donc plus seulement le manque (penia), il est aussi une richesse (poros). Il est notamment l'aiguillon du savoir (ce qui n'est pas sans rappeler ROUSSEAU : on ne peut concevoir, écrit-il, "pourquoi celui qui n'aurait ni désirs ni craintes se donnerait la peine de raisonner"). Il est un milieu entre l'ignorance et le savoir, et en ce sens il est l'âme même de la philosophie. En tant que tel, il a donc une valeur positive.
La même conclusion, touchant au caractère affirmatif du désir, pourra encore se trouver chez SPINOZA (Ethique , III:5) : l'âme, comme tout ce qui est, "s'efforce de persévérer dans son être pour une durée indéfinie et a conscience de son effort" (Ethique, III:9). Seule une cause extérieure peut en effet chasser une chose de l'existence. C'est pourquoi toute chose s'efforce de persévérer dans l'existence, dans l'être. L'homme n'échappe pas à cette loi. "Cet effort, quand il se rapporte à l'âme seule, est appelé Volonté; mais quand il se rapporte à la fois à l'âme et au corps, est appelé Appétit (...) Le désir est l'appétit avec conscience de lui-même". Le désir est donc l'effort [conatus dans la langue de Spinoza] pour persévérer dans l'être propre à l'homme. C'est pourquoi le désir est l'essence même de l'homme, c'est-à-dire sa puissance affirmative d'exister. Ou encore : il est l'existence même, en tant que toute