Le doit colonial
(article paru dansBulletin des séances de l’Académie royale des sciences d’outre-mer, 46 (2000) 279-292)
Jacques Vanderlinden
(vanderj@UMoncton.CA)
Introduction - À propos de positivisme et pluralisme
Depuis un peu plus d’un quart de siècle le pluralisme juridique est revenu à la mode et le positivisme, qui a dominé les études juridiques pendant la plus grande partie du siècle précédent, est sur la défensive encore qu’il présente sur son rival un avantage certain : il fournit une définition du droit sur laquelle existe un consensus dans la plus grande partie du monde juridique et particulièrement dans les pays de tradition romaniste . Pour faire simple -- certains diront simpliste et ils n’auront sans doute pas tort -- mais surtout pour faire bref, je poserai que cette définition comprend huit éléments : le Droit positif est unique (il n’y en a qu’un dans le ressort qui est le sien), étatique (ce ressort est celui de l’État, seul producteur de droit), formé de règles (dispositions caractérisées par leur généralité et leur permanence) abstraites (elles sont souvent formulées au départ de concepts construits dans le cerveau des juristes) tendant à l’objectivité (ce qui découle en partie du caractère précédent) dans une hiérarchie (dont le respect est garanti par divers mécanismes de contrôle) dominée par la loi (à l’origine elle seule est source de droit et si un rôle est reconnu à la coutume il est quantitativement et qualitativement réduit) dont des procédés déductifs (on part du général pour aller au particulier) permettent de dégager la manière de résoudre des cas concrets. Le pluralisme par contre peut se caractériser par un ensemble d’antonymes des termes précédents. Au droit unique s’opposent des droitS multiples; à l’État, les collectivités, voire l’individu; à la règle, le processus; à l’abstraction, le cas concret; à l’objectivité, la subjectivité; à la hiérarchie des sources et des ordres