Le dormeur du val
Le dormeur du val
C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Arthur Rimbaud (1854-1891)
Annonce des axes
Après avoir montré comment le poète nous dépeint la nature puis l'homme, nous verrons l'interaction réunissant les aspects contradictoires du poème.
Étude
I - La Nature
La nature est omniprésente dans le poème, elle occupe intégralement le premier quatrain, et nous la retrouvons jusque dans le dernier tercet. Elle se caractérise par une impression de vie et de bonheur qui sollicite tous les sens. "Verdure" vers 1 est repris au vers 7 par "l'herbe" et au vers 8 par "vert". Impression de luminosité avec "les haillons d'argent" vers 2 ; renforcée au vers 3 et vers 13 par le soleil et dont la luminosité est reprise au vers 4 "mousse de rayons" et vers 8 " lumière qui pleut" : métaphore qui donne une matérialité à la lumière. Nature très colorée : vers 9 "les glaïeuls", couleurs assez intenses. Personnification de la rivière qui "chante" vers 1, animation. Sur le plan olfactif, "parfums" vers 12, impression de bien-être et bonheur ; sur le plan tactile, impression de fraîcheur, liquidité, vers 6 "et la nuque baignant dans le frais cresson bleu". Le mot "val" du titre est repris au vers 4, rivière dynamique ; impression d'exubérance, par les deux