Le dualisme juridictionnel français
L'existence de ces deux ordres de juridiction distincts est, en France, le produit de l'histoire. Elle résulte de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 Fructidor An III, fruits de la volonté d'empêcher le juge judiciaire de s'immiscer dans les questions de l'administration. La loi des 16 et 24 août 1790 proclame que « Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives ». Le décret, quant à lui, disposait ceci : « Défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes d'administration, de quelque espèce qu'ils soient, aux peines de droit ». Les révolutionnaires craignaient que les tribunaux ne reproduisent les abus des Parlements de l'Ancien régime, qui s'étaient trop souvent mêlés des affaires de l'Etat.
Toutefois, ce système était pour le moins étrange car, s'il interdisait aux juges judiciaires de se mêler des affaires de l'administration, il n'existait pas pour autant de juge administratif. On se trouvait dans un système dit de « Ministre-juge », le Ministre étant juge des litiges impliquant son administration. On pouvait, à l'évidence, douter de son impartialité, puisqu'il été à la fois juge et partie.
Ainsi, la Constitution du 22 Frimaire An VIII et la loi du 28 Pluviôse An VIII créent respectivement le Conseil d'Etat et les Conseils de préfecture, ancêtres des Tribunaux administratifs. En matière de contentieux, les décisions du Conseil d'Etat n'étaient rendues définitives que par la signature du chef de l'Etat, qui devait approuver les projets lui étant soumis. On se trouve alors dans un système de « Justice retenue ».