Le désert des tartares, buzzati
Buzzati, D., Le désert des tartares, éditions Laffont, 1949.
2. Analyse de l’incipit
« Ce fut un matin de septembre que Giovanni Drogo, qui venait d'être promu officier, quitta la ville pour se rendre au fort Bastiani, sa première affectation. Il faisait encore nuit quand on le réveilla et qu'il endossa pour la première fois son uniforme de lieutenant. Une fois habillé, il se regarda dans la glace, à la lueur d'une lampe à pétrole, mais sans éprouver la joie qu'il avait espérée. Dans la maison régnait un grand silence, rompu seulement par les petits bruits qui venaient de la chambre voisine, où sa mère était en train de se lever pour lui dire adieu.
C'était là le jour qu'il attendait depuis des années, le commencement de sa vraie vie. Pensant aux journées lugubres de l'Académie militaire, il se rappela les tristes soirées d'étude, où il entendait passer dans la rue les gens libres et que l'on pouvait croire heureux ; il se rappela aussi les réveils en plein hiver, dans les chambrées glaciales où stagnait le cauchemar des punitions, et l'angoisse qui le prenait à l'idée de ne jamais voir finir ses jours dont il faisait quotidiennement le compte.»
Dès la première phrase, tous les renseignements essentiels à la caractérisation de notre héros nous sont donnés : son appellation, caractéristique identitaire par excellence ; le mois dans lequel son action débute et enfin, l’endroit vers lequel il se dirige.
Nous pouvons rattacher cet extrait, et le livre qu’il introduit, au courant existentialiste, courant qui présente une espèce humaine se définissant par ses actions, ce qui engendre qu’elle est maître de son destin et de son existence. Mais face à cela, le commun des mortels est bien souvent pris, d’une certaine angoisse quant à accepter les risques et responsabilités inhérentes à leurs engagements et choix de vie.
Ici, Dino Buzzati va dénoncer l’impuissance de l’humanité face au labyrinthe d'un monde incompréhensible.