Le fantôme de la liberté
Le concept de laïcité:
au sens large: renvoie aux régimes qui respectent la liberté de conscience, qui impliquent que l'Etat appartienne à tous, au peuple (λαος) sans que les individus puissent être discriminés en fonction de leurs orientations de vie au sens étroit: dans la tradition française, il renvoie à un combat contre le cléricalisme, à une séparation de l'Etat et des confessions.
Remarque: de nombreux pays, tout en ignorant ce terme, ont mis en pratique le concept, comme les Etats-Unis qui ont "laïcisé" l'Etat fédéral en le rendant indépendant des confessions (1971, premier amendement de la Constitution) et en garantissant la liberté de conscience: c'est la théorie du mur. La Constitution américaine elle-même exclut d'ailleurs le "religious test". Il ne faut donc pas s'attacher uniquement aux mots, et à la tradition française d'émancipation par rapport au catholicisme. La laïcité renvoie souvent à un concept politique, l'Etat laïc. Deux optiques peuvent se présenter: soit l'Etat intervient en tant que bras séculier pour imposer une conception de monde, du Bien, à ceux qui n'y adhèrent pas spontanément. Cela a souvent été le cas, d'une part parce que le politique a longtemps été soumis à une religion dominante, comme le catholicisme, d'autre part lorsque certains régimes, comme le communisme, ont tenté (et réussi!) d'imposer un athéisme officiel.1 Dans ce contexte, l'Etat, disposant du monopole de la violence légitime, utilise celle-ci au profit d'une conception de la vie bonne.
L'autre optique est celle de l'Etat laïc, qui se fonde sur l'idée selon laquelle en matière d'orientations d'existence, toute intrusion politique est illégitime. Il proclame donc la liberté de conscience, et son rôle consiste à permettre à ceux qui sont plus faibles, moins nombreux ou peu acceptés de jouir d'une telle liberté. Il use de son monopole de la contrainte pour empêcher les particuliers d'imposer leur conception de la vie bonne, et il