Le juif sûss polémique
SEPTEMBRE 2001 - Page 28
La responsabilité du cinéma nazi
Polémiques autour du « Juif Süss »
Arte présente le 21 septembre une soirée débat autour du procès à rebondissements du cinéaste allemand Veit Harlan, réalisateur du Juif Süss. Tourné sur ordre de Joseph Goebbels, ministre de la propagande du IIIe Reich, ce film présente l’histoire falsifiée de Joseph Süss Oppenheimer, conseiller financier du duc de Wurtemberg Charles-Alexandre et assassiné en 1738 ; il servit d’appel à la haine raciale contre les juifs dans les années 1940. Si le film fut condamné à la Libération, Veit Harlan put continuer à travailler. Le documentaire télévisé, savamment dosé, risque de minimiser la culpabilité du cinéaste nazi, ou même de conduire à la nier.
Par LIONEL RICHARD
Historien, professeur émérite à l’université de Picardie. Auteur de Goebbels. Portrait d’un manipulateur, (André Versaille éditeur, Bruxelles, 2008), Nazisme et barbarie (Complexe, Bruxelles, 2006), Arts premiers. L’évolution d’un regard (Le Chêne-Hachette, Paris, 2005), Le Nazisme et la Culture (Complexe, Bruxelles, 2001) et L’Art et la guerre (Flammarion, Paris, 1995).
Jour de fête à Stuttgart que le mardi 4 février 1738 ! De la campagne alentour, la population du Wurtemberg déferle dans les rues. Aucun juif, toutefois. La ville leur a été interdite. Car c’est un juif qui est l’objet de la cérémonie macabre (1). Arrêté juste après la mort subite de son souverain, à la suite d’une infection pulmonaire, Joseph Süss Oppenheimer était en prison depuis la nuit du 13 mars 1737. Le tribunal l’ayant condamné le 13 décembre de cette même année à être exécuté, il est grand temps qu’il soit pendu.
Pourquoi cette condamnation ? Les juges ont estimé qu’il avait été l’âme noire de Charles-Alexandre. Selon eux, il a écrasé le peuple sous les impôts, favorisé la corruption. Et il a même fomenté un coup d’Etat contre l’Assemblée parlementaire des corporations,