Le kebab
« J’ai toujours su que je n’arriverais pas à revenir des tranchées. Trop loin. Trop longtemps. Mais ceux qui m’attendaient avaient l’air de tellement y croire que je me suis laissé faire. Je pensais encore qu’ils avaient peut-être raison. Je les ai laissés essayer de me récupérer. Au fond, je savais que cela ne servait à rien parce que les tranchées grouillaient encore en moi. Elles m’avaient appris le combat, la terreur et l’ivresse de survivre. Elles m’avaient appris la rapidité de l’assassin et la patience du chien. On ne fait pas un homme avec cela. Nous n’étions plus des hommes. »
Ne pensant qu’aux horreurs qu’il a vues et vécues, et dénonçant le manque d’humanité entre soldats, il part en Afrique en quête de tranquillité et d’oubli, y devient marchand d’armes, accumulant les trafics de tous genre, « incandescent », n’ayant pas d’autre choix. Les populations locales se battent pour résister au joug des colons français, aidées par Quentin Ripoll. On l’appelle désormais le Colonel Barbaque. Et lorsque tous les chefs de guerre se réunissent lors d’une cérémonie pour accepter la colonisation de leurs peuples, abattus par ce long combat sans fin, on oblige le colonel Barbaque à boire le breuvage de la paix :
« C’est un alcool qui enflamme le palais, une liqueur qui permet de revenir à la vie. Elle provoque une puissante poussée de fièvre dans tout le corps. Elle tue parfois. La tradition dit que ceux qui meurent sont ceux qui ne pouvaient plus revenir à la paix, ceux que la guerre a brûlés, ceux qui sont allés trop loin. Les autres suent durant toute une nuit. Le désir de tuer, la sauvagerie violente du combat, l’appétit de vengeance coulent hors d’eux. Le corps se libère du meurtre et ils renaissent calmement –