Le langage de la ville : l’intertextualité urbaine dans le roman postmoderne
Christina HORVATH
Université Paris 3
La seconde moitié du vingtième siècle a vu naître et s’épanouir une littérature majoritairement urbaine qui se démarque de la fiction traditionnelle par son goût des faux-semblants, des leurres et des supercheries. Baptisée « postmoderne » par la critique, cette écriture se caractérise par une expérimentation radicale au niveau du langage et par l’omniprésence de l’autoreprésentation et de l’autoparodie. Puisant d’un savoir hétérogène, les récits postmodernes s’adonnent volontiers à des jeux de langages hétéromorphes. Ils se construisent par le croisement des genres littéraires auxquels ils empruntent indifféremment, mêlant les discours les plus divers. Cet éclatement intertextuel produit souvent un discours parodique qui se désigne lui-même comme signe, code, littérature. Mais le postmoderne crée également un usage particulier de l’espace urbain que j’essayerai de montrer ici, en m’appuyant sur des textes de Paul Auster (Cité de verre, 1987), d’Eric Laurrent (Les Atomiques, 1996) et de Jean Echenoz (Cherokee, 1989, Les Grandes blondes, 1995 et Je m’en vais, 1999).
Les romans d’Auster, de Laurrent et d’Echenoz ont en commun la tendance d’emprunter de divers éléments caractéristiques aux romans d’aventures, aux romans noirs, aux romans d’espionnage et aux romans policiers : on y trouve des armes, des poursuites, des enquêtes. Malgré cela, ces textes n’ont rien à voir avec les romans de la série noire, l’intrigue policière leur sert surtout à capter l’attention du lecteur et à l’empêcher d’interrompre sa lecture en le retenant par les rebondissements de l’intrigue et le mouvement incessant des personnages. Mais, après un examen plus attentif, nous pouvons constater que le suspens fait entièrement défaut à ces récits. Ils n’appellent pas non plus à l’identification avec les personnages, d’ailleurs cette écriture ironique qui ne se prend jamais tout