Le loup et l'agneau
Explication de texte La raison du plus fort est toujours la meilleure :
Nous l'allons montrer tout à l'heure.
Un Agneau se désaltérait
Dans le courant d'une onde pure.
Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.
Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
- Sire, répond l'Agneau, que votre Majesté
Ne se mette pas en colère ;
Mais plutôt qu'elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant,
Plus de vingt pas au-dessous d'Elle,
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.
- Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
Et je sais que de moi tu médis l'an passé.
- Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ?
Reprit l'Agneau, je tette encor ma mère.
- Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.
- Je n'en ai point. - C'est donc quelqu'un des tiens :
Car vous ne m'épargnez guère,
Vous, vos bergers, et vos chiens.
On me l'a dit : il faut que je me venge.
Là-dessus, au fond des forêts
Le Loup l'emporte, et puis le mange,
Sans autre forme de procès.
En moins de trente vers et sans un détail inutile, La Fontaine fait, dans le Loup et l'Agneau le récit d'une rencontre - dont l'issue ne laisse aucun doute - entre un loup affamé et un agneau naïf.
Mais ce récit prend une portée universelle, exemplaire : au delà de la violence des rapports de force dans le monde - ce qu'il est convenu d'appeler la loi naturelle, selon laquelle les loups mangent les agneaux -, La Fontaine décrit ici le comportement odieux de celui qui, non content d'exercer sa violence sur plus faible que lui, prétend la justifier par des arguments spécieux, inverse les rôles et se prétend victime pour pouvoir être bourreau. Oubliée la loi naturelle... nous sommes ici dans l'artifice, la duplicité des comportements de l'homme avec son semblable, dont un auteur latin disait : L'homme est un loup