Le mal dans la profession de foi du vicaire savoyard
11 mars 2007 par Anne Mounic
A plusieurs reprises, dans les Confessions, Rousseau (1712-1778) confie au lecteur le grand plaisir qu’il éprouve à marcher. Lors du voyage d’Annecy à Turin avec M. et Mme Sabran, il écrit (C I, Livre II, p. 88) : « Ce souvenir m’a laissé le goût le plus vif pour tout ce qui s’y rapporte, surtout pour les montagnes et pour les voyages pédestres. Je n’ai voyagé à pied que dans mes beaux jours, et toujours avec délices. Bientôt les devoirs, les affaires, un bagage à porter m’ont forcé de faire le monsieur et de prendre des voitures ; les soucis rongeants, les embarras, la gêne y sont montés avec moi, et dès lors, au lieu qu’auparavant dans mes voyages, je ne sentais que le plaisir d’aller, je n’ai plus senti que le besoin d’arriver. » Et d’ailleurs, route et récit se confondent dans les pages qui précèdent cet aveu : « Mais c’est assez de réflexions pour un voyageur ; il est temps de reprendre ma route. » (Id., p. 86)
L’auteur parle d’ « ambulante félicité » lors de son voyage en compagnie de Bâcle, avec la fontaine de héron (Livre III, C I, p. 135). Au Livre IV, le voyage à Paris constitue une nouvelle occasion d’émerveillement. Le rythme de la marche éveille l’imagination. Apparaît là déjà la complicité du mouvement physique et de son écho au for intérieur, dans la solitude : « Je mis à ce voyage une quinzaine de jours, que je peux compter parmi les heureux de ma vie. J’étais jeune, je me portais bien, j’avais assez d’argent, beaucoup d’espérance, je voyageais, je voyageais à pied, et je voyageais seul. On serait étonné de me voir compter un pareil avantage, si déjà l’on n’avait dû se familiariser avec mon humeur. Mes douces chimères me tenaient compagnie, et jamais la chaleur de mon imagination n’en enfanta de plus magnifiques. Quand on m’offrait quelque place vide dans une voiture, ou que quelqu’un m’accostait en route, je rechignais de voir renverser la fortune dont je