Le malaise de la civilisation
Il semble certain que nous ne nous sentons point à l’aise dans notre civilisation actuelle, mais il est très difficile de juger si, et à quel point, les hommes de jadis se sont sentis plus heureux, et alors d’apprécier le rôle joué par les conditions de leur civilisation. Nous aurons toujours la tendance à concevoir la misère de façon objective, autrement dit à nous transporter en pensée, tout en conservant nos exigences et notre sensibilité propre, dans les conditions des anciennes cultures pour nous demander alors quelles chances de bonheur ou de malheur nous auraient ainsi été offertes. Cette manière de considérer les choses, en apparence objective, en tant qu’elle fait abstraction des variations de la sensibilité subjective, est naturellement aussi subjective que possible, car elle substitue notre disposition d’esprit à toutes les autres à nous inconnues. Le bonheur est cependant une chose éminemment subjective. Quelque horreur que nous inspirent certaines situations, celle par exemple du galérien antique, ou du paysan de la guerre de Trente ans, ou de la victime de la sainte Inquisition, ou du Juif exposé au pogrom, il nous est tout de même impossible de nous mettre à la place de ces malheureux, de deviner les altérations que divers