Le miroir du handicap
A propos de l’illusion réparatrice
Pascal Prayez1
« Qu’est-ce qu’un handicapé ? Celui qui te fait croire que tu es normal... »
Simone Sausse, Le miroir brisé,
Calmann-Lévy, Paris, 1996
Peur de la différence ou de la ressemblance ?
Comment comprendre les difficultés d’intégration des personnes souffrant de handicap ? Quelle est donc cette peur qui détourne les « valides » des personnes dites «handicapées» ? Il est habituel de dire que ce rejet est la conséquence d’une peur de la différence...
Mais peut-être est-il intéressant de renverser la proposition : et si cette peur était avant tout une peur de la ressemblance ? Avancer une telle hypothèse, c’est considérer que le handicap est un miroir qui renvoie aux personnes «valides» un reflet à la fois fascinant et inquiétant...
Toute relation à l’autre est infiltrée d’imitation, de mimétisme : c’est dès la petite enfance la base de la communication, prélude aux processus d’identification puis d’identité. L’importance du visage de la mère, du visage des autres humains de l’entourage proche, puis la découverte de son image dans le miroir fondent peu à peu l’image du corps. (Lorsque l’enfant n’a pas la vue, ce reflet s’expérimente à partir des échos sonores associés aux autres sens : écho-tactilies, écho-tonies...). Lors de la reconnaissance de son image dans le miroir, découverte qui se fait généralement en présence de la mère ou d’une personne aimante de l’entourage, l’enfant voit son corps entier, séparé du corps maternel mais complet, autonome. C’est une étape dans son individuation, encourageant sa fierté d’être lui-même, mais ce moment nécessaire à son développement est aussi un piège, car le sujet, à partir de cette étape, croit comprendre qu’il est puissant, libre et beau, en oubliant que c’est des autres qu’il tient la confirmation de sa puissance, de sa liberté d’action, de sa beauté, de son identité... Nous-mêmes devenus adultes, ne continuons-nous pas à attendre de