Le misanthrope
A l’inverse de nombreuses de ses comédies, Le Misanthrope est pour Molière le fruit d’un long travail. S’écartant du comique trivial de la farce ainsi que du comique d’intrigue, cette comédie met en scène la noblesse, et Alceste en son sein, l’homme qui haïssait les hommes. N’ayant pas reçu le succès escompté devant le public (un public de la ville, celui de la cour s’étant éloigné de Versailles au moment des premières représentations, qui est mal préparé à cette représentation critique de l’aristocratie), la critique contemporaine, saura pourtant reconnaître un chef-d’œuvre. C’est le cas de Donneau de visée, auteur d’un périodique à succès, qui écrit alors dans sa lettre sur la comédie du « Misanthrope », « dans cette comédie, l’on peut voir tout ce que l’on peut dire contre les mœurs du siècle ». Cette comédie semble donc, au-delà de son but premier semble-t-il, d’étudier un type de caractère comme le titre laisse présager, pouvoir assumer aussi ce rôle de traiter des problèmes des hommes et de leur société par le biais du rire et d’une écriture ludique présentant une satire des mœurs. De nos jours, Jules Brody écrit à propos du commentaire de Donneau de Visée : « Le Misanthrope serait ainsi une comédie sociale plutôt qu’un comédie de caractère. » Nous tenterons de comprendre ce que signifie ce terme de comédie sociale et de vérifier en quoi la peinture fidèle des moeurs par l’étude approfondie des caractères sous le regard critique de Molière, serait une comédie sociale, soulevant des questions autant qu’elle essaie d’y répondre.
On peut tout d’abord considérer que Molière a crée une comédie de mœurs, en ce sens qu’elle s’attache à certaines façons de penser et de vivre particulières à une certaine classe sociale, mais où l’esprit critique trouve à s’exercer dans un projet satirique.
Molière choisit ici de fustiger une classe sociale à travers le regard critique d’un misanthrope, Alceste, sur son époque : et les yeux d’Alceste sont les