Le nouveau roman
C'est Roland Barthes qui a instauré l'expression d' « écriture blanche », dans Le degré zéro de l'écriture (1953), pour désigner un minimalisme stylistique caractéristique de la littérature d'après-guerre. Cet événement formel, il l'observe chez plusieurs auteurs qui s'imposent dès les années 1950 : Albert Camus, Maurice Blanchot, Jean Cayrol. Mais la formule reste valide pour décrire une bonne part de la littérature contemporaine, non seulement dans le domaine romanesque, de Henri Thomas à Annie Ernaux, mais aussi dans d'autres genres, voire même dans d'autres arts. Il faut entendre l' « écriture « blanche » comme on parlerait d'une voix blanche, c'est-à-dire sans intonation, dans une sorte d'absence énonciative. Barthes la définit comme une écriture « plate », « atonale », « transparente » ; plus encore, comme ce qui, dans le style même, nie la littérature : une écriture « alittéraire », « une absence idéale de style ».
Il est clair que cette émergence contemporaine d'un style dépouillé, marqué par la négativité, se module en différentes formes d' « écritures blanches ». Barthes l'avance d'emblée. Toutefois, il voit dans L'Etranger de Camus (1957) une oeuvre inaugurale : l'étrangeté énonciative d'un je absent à lui-même et à ses propres affects, d'une conscience neutre dissociée de son identité sociale, l'événement que constitue également, pour l'époque, une narration romanesque dans les temps du discours (présent/passé composé, d'aspect imperfectif), toutes ces innovations formelles concourent à créer un « style de l'absence » - une absence que signale d'ailleurs la première phrase du roman, disant la mort de la mère. Or, Barthes ne rapporte pas ce phénomène à un contexte historique particulier, du moins au moment où il formule l'expression d' « écriture blanche ». Au contraire, il en efface l'origine historique, alors même qu'il en a dégagé les prémices dans des études antérieures. C'est particulièrement vrai de ses critiques consacrées à