Le parapluie
Numérisation : Rémi Charest
Mise en forme HTML (27 août 1998) : Thierry Selva
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LE PARAPLUIE
A Camille Oudinot. Madame Oreille était économe. Elle savait la valeur d'un sou et possédait un arsenal de principes sévères sur la multiplication de l'argent. Sa bonne, assurément, avait grand mal à faire danser l'anse du panier ; et M. Oreille n'obtenait sa monnaie de poche qu'avec une extrême difficulté. Ils étaient à leur aise, pourtant, et sans enfants ; mais Mme Oreille éprouvait une vraie douleur à voir les pièces blanches sortir de chez elle. C'était comme une déchirure pour son coeur ; et, chaque fois qu'il lui avait fallu faire une dépense de quelque importance, bien qu'indispensable, elle dormait fort mal la nuit suivante. Oreille répétait sans cesse à sa femme : - Tu devrais avoir la main plus large, puisque nous ne mangeons jamais nos revenus. Elle répondait : - On ne sait jamais ce qui peut arriver. Il vaut mieux avoir plus que moins. C'était une petite femme de quarante ans, vive, ridée, propre et souvent irritée. Son mari, à tout moment, se plaignait des privations qu'elle lui faisait endurer. Il en était certaines qui lui devenaient particulièrement pénibles, parce qu'elles atteignaient sa vanité. Il était commis principal au Ministère de la guerre, demeuré là uniquement pour obéir à sa femme, pour augmenter les rentes inutilisées de la maison. Or, pendant deux ans, il vint au bureau avec le même parapluie rapiécé qui donnait à rire à ses collègues. Las enfin de leurs quolibets, il exigea que Mme Oreille lui achetât un nouveau parapluie. Elle en prit un de huit francs cinquante, article de réclame d'un grand magasin. Les employés, en apercevant cet objet jeté dans Paris par milliers,