Le pessimisme
On peut faire remarquer que la recherche du bonheur a un point de départ assez pessimiste : nous voulons le bonheur que nous n'avons pas, ou/et nous voulons fuir ce qui nous nuit. Il n'est donc pas étonnant que le bonheur complet soit si souvent lié à l'idée de perfection, attribut d'un dieu. Par conséquent le bonheur n'existe que sous la forme d'un but idéal et inaccessible. Dans les cas les plus extrêmes, par exemple pour ceux qui croient en un dieu parfait, le vrai bonheur n'existe que sous la forme d'une promesse : le bonheur n'est pas humain, il appartient à un être parfait, ou à la partie la plus divine de notre être, partie qui ne peut se satisfaire des réalités contingentes, illusoires. Le désir de l'homme serait d'être heureux, mais la satisfaction des aspirations humaines appartient à un autre que l'homme : au sage surhumain pour les Stoiciens, à l'âme immortelle dans certaines religions. Ce pessimisme est parfois radicalisé, comme on le voit chez ce philosophe désespéré, Hegesias, "ministre de la mort", qui enseigna que la vie ne vaut rien, qu'il faut mourir pour être heureux. Sa doctrine (aboutissement du Cyrénaïsme) entraîna de nombreux suicides...
Il y a enfin des philosophes qui remettent en cause le principe même du bonheur. Le raisonnement est le suivant : les moralistes estiment que les hommes font leur propre malheur ; mais ces hommes cherchent ce qu'ils croient leur être profitable. Or, ce qu'ils croient tel, ce sont les honneurs, les richesses, le pouvoir, le plaisir. Si l'on s'en tient à leurs comportements réels, les hommes ne cherchent pas le bonheur, mais la puissance. Cette quête peut être brutale et sanguinaire ; elle peut être aussi heureusement spirituelle : recherche du savoir, création artistique, quête religieuse. En bref, c'est la quête d'une haute culture, qui exige de grands sacrifices, et qui n'est pas toujours compatible avec le bonheur. On passe ainsi du problème du bonheur, peut-être un faux problème, au