DedeeExtrait étudié : Nathalie Sarraute, Le Planétarium, Gallimard (1959) Dans Le Planétarium, Nathalie Sarraute restitue les mouvements intérieurs de l'être, qui se dissimulent et affleurent derrière les paroles. L'intrigue du roman tourne autour d'un couple de jeunes mariés. Devant elle partout il déblayait, émondait1, traçait des chemins, elle n'avait qu'à se laisser conduire, à se faire souple, flexible comme un bon danseur. C'était curieux, cette sensation qu'elle avait souvent que sans lui, autrefois, le monde était un peu inerte, gris, informe, indifférent, qu'elle-même n'était rien qu'attente, suspens Aussitôt qu'il était là, tout se remettait en place. Les choses prenaient forme, pétries par lui, reflétées dans son regard « Viens donc voir » Il la prenait par la main, il la soulevait de la banquette où elle s'était affalée pour reposer ses pieds enflés, regardant sans les voir les fastidieuses rangées de Vierges aux visages figés, de grosses femmes nues. « Regarde-moi ça. Pas mal hein ? qu'en dis-tu ? Il savait dessiner le gaillard ? Regarde un peu ce dessin, ces masses, cet équilibre Je ne parle même pas de la couleur » De l'uniformité, du chaos, de la laideur, quelque chose d'unique surgissait, quelque chose de fort, de vivant (le reste maintenant autour d'elle, les gens, la vue par les fenêtres sur des jardins, paraissait mort), quelque chose qui tout vibrant, traversé par un mystérieux courant, ordonnait tout autour de soi, soulevait, soutenait le monde C'était délicieux de le déléguer pour qu'il fasse le tri, de rester confiante, vacante, offerte, à attendre qu'il lui donne la becquée, de le regarder cherchant leur pâture dans les vieilles églises, chez les bouquinistes sur les quais, les marchands d'estampes. C'était bon, c'était réconfortant. Une sensation de détente, de sécurité retrouvée, a recouvert petit à petit la douleur, la peur. Il est si ardent, si vivant, il y met une telle passion C'est cela qui lui permet de découvrir, d'inventer,