Le pont mirabeau
Apollinaire et Marie Laurencin franchissaient souvent la Seine en passant par le pont Mirabeau, un chef-d'oeuvre de technique et d'élégance architecturale qui avait été construit entre 1893 et 1896 pour relier directement les quartiers d'Auteuil et de Passy, rive droite, avec ceux de Javel et de Grenelle, rive gauche, dont la construction avait causé un scandale, certains voulant sa destruction. Mais il a résisté, ce qui n’est pas indifférent dans le cadre du poème.
Il était devenu emblématique de leur amour. Leur couple rompu, le pont inspira au poète une méditation lyrique sur la fuite du temps et de l'amour, méditation dans laquelle il balança entre la résignation douloureuse au changement inévitable et un espoir violent de permanence. Dans une lettre à Madeleine Pagès (1915), il dit du poème, qu’il est comme «la chanson triste de cette longue liaison brisée».
Toutefois, Apollinaire, qui était féru de littérature médiévale, aurait pu s’inspirer d’une chanson de toile du début du XIIIe siècle : “Gayette et Oriour,” publiée dans la “Chrestomathie du Moyen Âge” de Gaston Paris et Ernest Langlois qu’il connaissait certainement. Les deux textes ont le même dessin rythmique, la même position des rimes, le même mouvement de refrain : «Vente l’ore et li rain crollent Qui s’entraiment soef dorment».
Apollinaire composa d’abord un poème où chaque strophe comprenait trois vers de décasyllabes aux rimes féminines. Puis il supprima la ponctuation, transforma les tercets en quatrains en conservant deux décasyllabes qui encadrent deux vers de quatre et six pieds. Ainsi furent créées des strophes dites élégiaques où les vers courts, porteurs de sentiments profonds, sont plus intenses.
‘’Le pont Mirabeau’’ est formé de quatre strophes où s’intercale un refrain. Chaque strophe est composée de trois décasyllabes, le deuxième vers (de quatre syllabes) et le troisième (de six syllabes) constituant ensemble un décasyllabe. Le refrain est un distique de