Le rapport de brodeck
Extrait : « Poupchette tenait fièrement le bouquet qu’elle avait cueilli […]
Où elle vivait sans vraiment exister. » (p215-217)
Dans ce passage, nous retrouvons Brodeck, le héro narrateur du roman en compagnie de sa fille Poupchette et de sa femme Emélia. Cette dernière est devenue amnésique et comme absente au monde qui l’entoure depuis qu’elle s’est fait violer par des soldats allemands pendant la guerre. Repliée sur elle-même et enfermée dans son mutisme, son langage se limite à une vieille chanson qu’elle fredonne de temps en temps. Cet extrait nous ramène à la tragédie du narrateur désespérément amoureux d’Emélia qui mentalement n’est plus présente et lui échappe. On peut voir ici d’une part, la fragilité et l’évanescence d’un présent insaisissable et d’autre part, la force du souvenir.
Tout dans ce passage souligne la fragilité de l’instant. La nature et les éléments symbolisent l’évanescence et la rupture avec la conscience qui caractérisent Emélia. Les fleurs d’abord, cueillies par la petite fille qui marquent le seuil entre la vie et la mort : « Toutes ces fleurs tremblaient encore de vie, comme si elles ne pouvaient se rendre compte qu’elle venaient de passer les portes de la mort » Nous pouvons également relever plus loin dans le texte : « Les fleurs se sont envolées une à une entre ses doigts sans qu’elle fasse rien pour les retenir. » Ces fleurs connotent la fragilité du présent dans les deux sens du terme ; à la fois temps qui passe et offrande. Emélia laisse ce présent s’échapper. Ensuite le paysage dans lequel évolue Emélia peut apparaître comme un symbole de sa conscience accidenté et insaisissable. On relève d’une part ce qui marque la rupture, l’accident : « une sorte de promontoire au-delà duquel la pente se casse et se déchiquette en rochers brisés » Cette image est renforcée par les allitérations de consonnes dure en [q] en [r] et en [t] qui créent une harmonie imitative.