Le roman de renart - théatre
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Le Conteur. Seigneurs, vous avez assurément entendu conter bien des histoires : on vous a dit de Paris comment il a ravi Hélène ; vous savez nombre de fables et des chansons de geste. Mais vous ne connaissez pas la grande guerre, qui ne finira jamais, de Renart et de son compère Ysengrin. Si vous voulez, je vous dirai comment la querelle prit naissance et avant tout, comment vinrent au monde les deux barons. Un jour, j’ouvris une armoire secrète, et j’eus le bonheur d’y trouver un livre qui traitait de la chasse. Une grande lettre vermeille arrêta mes yeux ; c’était le commencement de la vie de Renart. Si je ne l’avais pas lue, j’aurais pris pour un homme ivre celui qui me l’eût contée. Mais on doit du respect à l’écriture et, vous le savez, celui qui n’a pas confiance dans les livres est en danger de mauvaise fin. Le Livre nous dit donc que le bon Dieu, après avoir puni nos premiers parents comme ils le méritaient, et dès qu’ils furent chassés du Paradis, eut pitié de leur sort. Il mit une baguette entre les mains d’Adam et lui dit que, pour obtenir ce qui lui conviendrait le mieux, il suffisait d’en frapper la mer. Adam ne tarda pas à faire l’épreuve : il étendit la baguette sur la grande eau salée ; soudain il en vit sortir une brebis. Adam. Voilà qui est bien. La brebis restera près de nous, nous en aurons de la laine, des fromages et du lait. Le Conteur. Éve, à l’aspect de la brebis, souhaita quelque chose de mieux. Ève. Deux brebis vaudront mieux qu’une. Laissemoi donc frapper à mon tour. Le Conteur. Adam, nous le savons pour notre malheur, ne pouvait rien refuser à sa femme. Il lui donne la baguette et elle l’étend sur les flots. Aussitôt parut un méchant animal, un loup, qui, s’élançant sur la brebis, l’emporta vers la forêt voisine. Aux cris douloureux d’Ève, Adam reprit la baguette : il frappe. Un chien s’élance à la poursuite du loup, puis revient ramenant la brebis déjà sanglante. Grande alors fut la joie de nos