Le roman depuis la révolution
Il est bien connu que les études portant sur les tournants de siècles souffrent des ruptures consacrées par la chronologie et adoptées par l’université. La période post-révolutionnaire en pâtit sans doute encore plus que les autres, pour des raisons historiques et littéraires. Entre 1789 et 1830, la rupture historique et ses conséquences sont telles que l’analyse littéraire semble déserter le terrain au profit de l’analyse historique. De plus, cette période considérée du point de vue littéraire paraît assez pauvre au regard du siècle des
Lumières auquel elle fait suite et du Romantisme qu’elle précède 1.
Elle est alors tenue, au mieux, comme une période de transition et, au pire, comme une époque de dégénérescence. Il est difficile, au vu de ces trois phénomènes(rareté de l’analyse critique, importance de l’histoire politique et pauvreté supposée de la production littéraire) de démêler les causes des effets.
À cet égard, l’étude du genre romanesque semble particulièrement problématique. Entre Marivaux et Laclos, d’une part,
1.
Nous parlons ici en termes de découpages traditionnels sur lesquels repose l’histoire littéraire des décennies passées. C’est elle qui a généré l’état de la recherche contemporaine quelles que soient les approches actuelles.
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Romancières sentimentales
S tendhal et Balzac, d’autre part, c’est comme si le roman disparaissait. Bien sûr, il y eut Chateaubriand, Senancour ou Benjamin Constant, mais on a quelques réticences à les qualifier de romanciers. Ils sont poètes ou autobiographes et René, Obermann ou Adolphe semblent plus participer d’une sensibilité que d’un genre. Les histoires du roman consacrent quelques pages au début du xixe siècle avant d’entrer dans le vif du sujet avec Stendhal et
Balzac 2. Pourtant, à parcourir ces quelques pages, on voit revenir fréquemment certains noms, des noms jusqu’alors peu connus, voire inconnus, mais qui finissent par devenir familiers.
Or ces noms sont des noms de femmes. Non