le rouge et noir
Günter Grass Les Misérables Heinrich Mann Marguerite Yourcenar Georges Simenon
En apparence, une œuvre romanesque est un discours suivi. En fait, un roman est une forme littéraire construite à partir d'une réalité elle-même structurée, ou du moins que le romancier perçoit comme organisée. Un groupe social, un problème ou un cas psychologique, un événement historique, un fait divers, une biographie peuvent être les matrices d'une œuvre de fiction. Quand cette forme première, génétique, est de nature linéaire, la forme du roman prendra, certes, l'aspect d'une progression continue. Mais la définition du roman par Stendhal – « un miroir promené le long d'un chemin » – implique une certaine conception du récit à laquelle Balzac, en revanche, ne pouvait souscrire : la forme de La Comédie humaine est fondée sur une vaste organisation sociale, considérée par Balzac comme un espace. De même, Zola concevait le roman non pas comme une narration discursive, mais comme une construction imitant l'arbre généalogique des Rougon-Macquart. Et l'exploration de Proust, dans À la recherche du temps perdu, concerne non moins l'espace d'une conscience que le fil du temps.
En outre, les formes romanesques se développent souvent en fonction de modèles qui sont déjà eux-mêmes littéraires, car ils correspondent à certaines pratiques culturelles d'une époque. La forme épique, la narration historique ont servi largement de base au roman : ces deux discours se complètent, s'emboîtent en quelque sorte dans Don Quichotte, où la technique du « récit dans le récit » est très fréquente. Au xviiie siècle, le développement de la correspondance a suscité celui du roman épistolaire, qui compte deux œuvres opposées par le thème, l'esprit, l'écriture : La Nouvelle Héloïse, Les Liaisons dangereuses. Au xxe siècle, deux romans importants (Le Questionnaire de E. von Salomon, L'Inquisitoire de R. Pinget) ont été composés selon le schéma du formulaire d'enquête. Mais toute