Le sati
no 12, automne 1995, pp. 111-125
LA SÂTI ET L'IMMOLATION DU CORPS
Michel Gardaz1 ______________________________________________________
Les annales de l'histoire renferment des récits de femmes hindoues résolues à quitter le monde des vivants pour suivre dans l'au-delà leur époux2. Saint Jérôme (Contre Jovinien, 1,44) prétend que c'est la coutume en Inde de brûler la favorite avec son mari3. Cicéron (Tusculanes, 5,78) précise que les veuves se disputent afin de savoir laquelle d'entre elles aura le privilège de s'étendre aux côtés du défunt4. Properce (Élégies, 3,13,15-22) dans une véritable envolée poétique, décrit les derniers instants de celles dans l'attente du moment fatidique:
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Michel Gardaz, Ph.D. en sciences religieuses (U. d'Ottawa), effectue présentement un stage d'études postdoctorales à l'Université de Paris V (Sorbonne). Cet article s'inscrit dans le cadre d'une recherche qui a bénéficié du soutien financier du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. L'origine du «suttisme» et de sa propagation dans l'Inde brâhmanique demeure inconnue. Les textes sacrés restent muets, n'apportant aucun éclairage sur les prétendues raisons poussant les veuves à s'immoler sur le bûcher funéraire de leur mari. C. WeinbergerThomas, «Cendres d'immortalité. La crémation des veuves en Inde», Archives de sciences sociales des religions, 67.1, 1989, pp. 10-11. L’a. précise que l'on retrouve «la plus grande densité des témoignages» entre le XVe et le XIXe siècle (p. 17). J. André et J. Filliozat, L'Inde vue de Rome: Textes latins de l'antiquité relatifs à l'Inde, Paris, Les Belles Lettres, 1986, p. 236. Cicéron, Tusculanes, tome II, texte établi par G. Fohlen et traduit par J. Humbert, 2e édition, Paris, Les Belles Lettres, 1960, p. 144.
Michel Gardaz
Dès que la dernière torche a été jetée sur le lit funèbre, les épouses sont là, debout, troupe pieuse, les cheveux épars; c'est à qui mourra [...] honte à celle qui