Le temps
Des heures vides
Elle avait déjà acquis cette habitude de passer des heures et des heures à ne rien faire. A peine avait-elle envie d’examiner le décor de sa cellule, et de contempler ses longues jambes allongées sur le lit où elle s’étendait jour et nuit pour ne plus sentir la lourdeur du temps qui passe. Même sa chambre ne pouvait plus supporter son odeur, l’odeur moisie qu’une femme dégage quand son âme et son cœur agonisent.
Elle jetait parfois des coups d’œil furtifs sur sa montre qu’elle glissait précieusement sous son oreiller comme une jeune fille qui glisse la photo de son bien aimé à qui elle tient, pour être au moins certaine qu’il n’est pas comme les autres, et qu’il ne lui échappera guère. A vrai dire, elle détestait cette montre qui lui rappelait à chaque fois que le temps est toujours là, créé rien que pour la guetter et peser sur son esprit broyé de désarroi. Or, elle la fixait de temps à autre, cette montre, espérant tomber sur quelque miracle, en voyant par exemple ses aiguilles tourner à la vitesse d’un éclair, ou dans le sens inverse...
Toutefois, elle était sûre qu’elle ne pourrait guère échapper à ces heures infinies qui l’emprisonnaient, eux qui savaient qu’elle n’avait plus la force de les dissiper, car elle avait certes perdu à jamais cette joie de vivre qui s’empare des êtres vivants comme par erreur, en volant le temps qui court bien plus vite qu’une flèche quand ils nagent dans le ravissement.
Tous les matins, le soleil s’infiltrait à travers sa chambre pour venir se glisser sur ses paupières et lui rappeler qu’une nouvelle journée s’annonçait. Mais il semble qu’encore une fois, les rayons de ce soleil avaient omis que cette femme brisée n’avait pas fermé l’œil la nuit et n’était donc nullement gênée de leur présence: Elle n’avait guère de nouveaux jours à découvrir, ses lendemains étaient tout simplement tissés des ennuis d’hier...Rien ne la surprenait plus comme dans le temps