Le théâtre et son double-antonin artaud
De prime abord, il est possible de déceler une certaine méfiance chez Artaud à l’égard de la parole et des mots, car, selon lui, ces derniers empêchent le vrai théâtre de se produire. Effectivement, l’auteur affirme avec conviction que le théâtre s’exprime de façon unique en s’adressant au sens: « Je dis que la scène est un lieu physique et concret qui demande qu’on le remplisse, et qu’on lui fasse parler son langage concret. » (p.55) La personnification « scène […] parler son langage concret» met en relief l’idée que le théâtre, en s’adressant aux sens, va au-delà du langage dialogué et va même jusqu’à l’exclure, car ce dernier possède le sien qui inclut aussi tout l’aspect matériel de la scène. Ainsi, beaucoup plus que le texte, les éléments purement théâtraux tels que les sons, les gestes, les décors composeraient le langage du théâtre. Les mots, s’adressant principalement à l’esprit, ne peuvent donc pas exprimer adéquatement une idée donnée et de ce fait, le théâtre s’en trouve restreint. Outre cette caractéristique, la confiance absolue dont fait preuve la société occidentale à l’égard du texte écrit au théâtre mène cette dernière à négliger le théâtre en soi : « Pour nous, au théâtre, la Parole est tout et il n’y a pas de possibilité en dehors d’elle; le théâtre est une branche de la littérature, une sorte de variété sonore du langage, et si nous admettons une différence entre le texte parlé et le texte lu par les yeux, si nous enfermons le théâtre dans les limites de ce qui apparaît