Le plaisir du travail
Le mot travail provenant étymologiquement du latin trepalium, qui désigne d'abord un appareil pour maintenir ou équarrir le bétail, puis un instrument de torture, et le travail étant depuis associé surtout à la peine et à l'effort, cette expression de "plaisir du travail" fait figure de paradoxe. "Travail" signifiait anciennement douleur, sens qui s'est conservé sous une forme amoindrie dans l'expression "une maladie/un organe malade me travaille". "Travailler au corps", c'est charcuter. Dans chacun de ses sens multiples, le travail renvoie à une dimension d'ordre pénible. La Genèse, au moment de la condamnation d'Adam pécheur, donne le travail sous ses diverses formes pour contenu de la chute infralapsaire : l'homme est condamné tout à la fois au travail comme nécessité d'acheter les moyens de sa subsistance du prix de sa sueur, au travail comme peine et douleur dans ce sens ancien que l'on a signalé, au "travail" enfin de l'accouchement. Deux au moins de ces travaux présentent une évidente dimension fertile, et tous renvoient généralement à la situation mondaine de l'homme devant s'affronter aux difficultés. Qu'est-ce alors que ce travail dessiné par la Bible ? La marque du fait que l'homme existe au sein d'un monde qui fait obstacle. En quoi le plaisir peut-il naître de cette situation ? Il y a en effet un lourd paradoxe : on peut certes concevoir qu'il y ait du plaisir à prendre dans les déterminations positives qui accompagnent le travail, comme le sentiment de dominer son milieu, d'obtenir des résultats, et de manière générale d'extérioriser son être par la reproduction ou la production. Mais cela, c'est moins prendre plaisir au travail qu'à ce qu'il permet. Est-il possible de prendre plaisir à ce qui est strictement le travail en lui-même ? Autrement dit, y a-t-il ici à envisager un plaisir de l'incomplétude, de la douleur, de l'effort ? On ne résoudra rien en affirmant seulement que le travail vise un bien, mais en se tenant plutôt