le travail
D’après la Genèse (III, 17-19), Dieu se serait adressé à l’homme en ces termes : “le sol sera maudit à cause de toi. C’est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie [...]. C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre d’où tu as été pris”. Il est donc clair que, au terme d’une tradition culturelle déjà très ancienne, le travail est perçu comme le type d’activité pénible par excellence. Mais dans cette tradition, le travail ne se contente pas d’être pénible, il est aussi aliénant. En effet il est la marque de la fatalité fondamentale de l’existence humaine suspendue entre la nécessité biologique de survivre ici-bas et la nécessité de recourir au secours divin pour survivre dans l’au-delà.
Pourtant, le Préambule de la Constitution de 1946 précise que “chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi”. Du coup, il semble que la pénibilité du travail qui se manifeste par le devoir de travailler, s’accompagne d’un espace de liberté qui s’exprime dans le droit pour chaque citoyen d’obtenir un emploi. Ce qui supposerait que le travail n’est pas une fatalité mais plutôt une voie contraignante d’accès à la liberté.
C’est pourquoi nous allons nous poser le problème de savoir si le travail n’est effectivement qu’une malédiction, ou au contraire une condition de possibilité de la liberté humaine. L’enjeu d’un tel problème est clairement politique. Car si le travail est un facteur d’aliénation, comment expliquer qu’il puisse être un devoir civique ? Et si le travail est un facteur de libération, comment des démocraties qui reconnaissent l’universalité du droit de l’homme à la liberté peuvent-elles tolérer qu’une part toujours croissante de citoyens soit privée d’emploi et donc d’une condition d’accès à la liberté ?
I - Le travail comme marque d’assujettissement au besoin, est une activité essentiellement