le voyage
Ce périple m’a ébloui et révèle la vanité de ces voyages immobiles qui ne débouchent sur rien, si ce n’est sur une sorte de consolation. Je n’aurais jamais pu imaginer tout ce que j’ai vu, tout ce que j’ai vécu là-bas. Mais je sais aussi que l’intensité de mes rêveries est sans doute pour beaucoup dans cette apothéose. [...] C'est pourquoi il faut voyager. Dans un premier temps, on goûte aux délices de l'imagination qui, forcément, travaille et idéalise la destination : elle exacerbe le désir de partir. Dans un second temps, on va sur place, et l'on s'émerveille devant l'infinie richesse d'un monde qui réussit le tour de force de dépasser les rêveries de l'imagination.[...]
Voyager, c'est donc imaginer un lieu, s'y rendre effectivement, et en revenir. Mais la définition est encore incomplète; j'ai certes repoussé le voyage immobile, ainsi que le simple déplacement; mais il manque, me semble-t-il, un élément. Pourquoi allons-nous là-bas? Je crois que c'est la rencontre avec la singularité d'un lieu et d'une culture que l'on attend du voyage, de tout voyage. C'est pour voir quelque chose d'autre que l'on voyage, et rester au bar ou à la piscine d'un hôtel, ce n'est pas voyager. Justement : cette quête d'un ailleurs différent suppose, de la part du voyageur, un état d'esprit bien spécifique sans lequel son périple sera raté. Il s'agit essentiellement de laisser de côté ses préjugés, ses habitudes, ses convictions, d'ouvrir son esprit et ses sens à la radicale nouveauté de ce qui se présente, bref d'être curieux, bien disposé, ou encore disponible pour toutes sortes de rencontres. Se dépouiller de ses certitudes, accepter la remise en question d'une vie antérieure dont on saisit la relativité, et enfin s'étonner : voilà, peut être, les devoirs du voyageur.[...] Il ne s'agit pas, à la vérité, de