Le S N Gal Invente Sa La Cit
Ven, 28/01/2011
Passerelle entre le Maghreb et l’Afrique noire, le Sénégal échappe, jusqu’ici, aux tensions religieuses. Mieux : ce pays de dix millions d’habitants, développe une culture laïque, fortement éprise d’ouverture et de dialogue inter-religieux.
Veille de Noël. Une étonnante frénésie s’empare de Dakar. Dans ce pays musulman à 95 %, le repas de Noël est une institution. Après la prière du soir dans les innombrables mosquées, la plupart des Sénégalais se retrouvent autour d’un succulent repas de famille. Pas de foie gras ni de vin, mais un copieux poulet arrosé de galakh, spécialité locale à base d’arachide. Ici, le président va au pèlerinage à Popenguine (capitale du christianisme) pour la Pentecôte, et à la grande mosquée pour la prière de l’Aïd. Sans que personne ne trouve à redire.
Le modèle sénégalais doit beaucoup à Léopold Sédar Senghor. Académicien, théoricien (avec Césaire) de la Négritude et surtout premier président du pays. Dès l’indépendance, Senghor, pourtant nourri aux mamelles du républicanisme à la française (ministre et ancien député en France), s’en écarte. À l’inauguration de la mosquée de Touba en 1962, il dénonce « une confusion entre la laïcité […] donc respect des croyances, de toutes les croyances, et le laïcisme […] qui n’est plus qu’un moyen de propagande électorale déjà usé, même dans la métropole ».
L’État participe à la vie religieuse, en finançant ses activités avec un constant souci d’équilibre entre les différentes communautés. Ancien séminariste à la tête d’un pays essentiellement musulman, Senghor est soutenu par les guides religieux. Ils seront son rempart le plus sûr contre tous les extrémismes. La volonté politique du président n’explique pas tout. Le modèle sénégalais trouve ses racines dans l’histoire du pays.
L’islam sénégalais est singulier
Essentiellement soufi, il est organisé en confréries dont les fondateurs ont fait un travail d’adaptation culturelle et de traduction des valeurs