Lecture analytique 1 Assieds toi sur le bord d une ondante rivière
Assieds-toi sur le bord d’une ondante rivière,
Tu la verras fluer d’un perpétuel cours,
Et flots sur flots roulant en mille et mille tours
Décharger par les prés son humide carrière.
5Mais tu ne verras rien de cette onde première
Qui naguère coulait, l’eau change tous les jours,
Tous les jours elle passe, et la nommons toujours
Même fleuve, et même eau, d’une même manière.
Ainsi l’homme varie, et ne sera demain
10Telle comme aujourd’hui du pauvre corps humain
La force que le temps abrévie, et consomme :
Le nom sans varier nous suit jusqu’au trépas,
Et combien qu’aujourd’hui celui ne sois-je pas
Qui vivais hier passé, toujours même on me nomme.
(Orthographe modernisée)
Texte 1 : Jean-Baptiste Chassignet, « Assieds-toi sur le bord d’une ondante rivière… », Mépris de la vie et consolation contre la mort, 1594.
Jean-Baptiste Chassignet (vers 1570) : il suit des études de droit et devient conseiller et avocat fiscal en Franche-Comté. Il consacre son temps libre à la poésie, mais aussi à l’écriture de petits ouvrages historiques sur sa région. Il connaît la notoriété littéraire en 1594, avec la publication des 434 sonnets qui composent le recueil baroque Mépris de la vie et consolation contre la mort, dans lesquels le poète constate amèrement la dissolution du monde.
Le Baroque : le mot « baroque » vient du portugais barroco, perle irrégulière. Le terme, qui signifiait « bizarre, de mauvais goût », a longtemps été péjoratif. Depuis un siècle environ, le mot désigne un courant littéraire et artistique européen qui s’est développé en France de la fin du XVIème au début du XVIIème siècle. Le mouvement est né dans une période changeante, de renouveau, à la fois politique (Henri IV et Louis XIII cherchent à renforcer le pouvoir politique et préparent l’avènement de la monarchie absolue instaurée par Louis