Les apparences de l'homme
Civilisations vol. 59 (2)
A paraître en décembre 2010
Les apparences de l’homme
Penser l’objet et l’ornement corporels
Numéro coordonné par Gil Bartholeyns
Ce numéro de Civilisations s’efforce de repenser l’esthétique corporelle en s’attaquant à quelques obstacles qui empêchent sa compréhension au niveau des sociétés humaines en général.
Premier de ces obstacles, l’opposition tacite entre « parure » et « vêtement » sépare improprement les ethnologues classiques et les historiens : à objet illusoirement différent, domaines de spécialisation illusoirement distincts. Ces notions recouvrent en outre fort mal les catégories en usage à travers les cultures et le temps. Par exemple, le cultus des auteurs latins regroupait le vêtement et les bijoux, l’ornatus comprenait l’ensemble des soins de beauté, réunissant le maquillage et les cheveux. Le rapprochement possible entre les spécialistes ne passe pas par une taxinomie descriptive globale des interventions et des artefacts corporels comme cela a déjà été tenté. Il dépend plutôt d’un niveau conceptuel supérieur – que ce numéro souhaite promouvoir – celui des « cultures de l’apparence ». Ce niveau d’analyse est possible en dépassant un second obstacle.
Deuxièmement en effet, des propos de Claude Lévi-Strauss sur la nudité au magazine Géo consacré aux Parures du monde (2005) en passant par l’universelle Histoire des mœurs (1990) domine une lecture des apparences humaines selon le couple nature-culture, et de ce fait même, selon les oppositions animal-humain, nu-civilisé. Une telle lecture place la plupart des travaux dans le sillage des vielles représentations européennes de l’autre. Pour l’étude du tatouage, du marquage, de l’objet textile, du masque, et en fait de toute transformation physique, cette distinction, dont la majorité des sociétés fait l’économie, gagne a être remplacée par une autre, présente dans toutes les cultures, à savoir la distinction entre extérieur et