Les bonnes_commentaire cérémonie
La pièce Les Bonnes est la première pièce de Jean Genet à avoir été jouée. Lors de sa création, en 1947, elle faisait l’ouverture d’une pièce de Giraudoux et n’a, par conséquent, pas reçu un accueil favorable de la part du public. D’autant plus que le sujet de cette pièce, deux bonnes désirant tuer leur maîtresse, dérangeait les spectateurs, quelques années après la terrifiante affaire des sœurs Papin. La pièce commence par ce que les bonnes appellent la « cérémonie » : il s’agit d’un jeu de rôle au cours duquel l’une des bonnes tente de tuer leur maîtresse, Madame, jouée par l’autre bonne. Au début de la pièce, il n’est pas évident pour les spectateurs qu’il s’agit seulement d’un jeu. L’extrait que nous allons étudier est la fin de la cérémonie : de plus en plus violente, Solange, dans le rôle de Claire, s’apprête à tuer Madame avant d’être interrompue par la sonnerie du réveil. Nous allons montrer que cette scène de théâtre dans le théâtre est l’occasion d’un renversement des rôles. C’est en effet une scène de théâtre dans le théâtre troublante pour les spectateurs, au cours de laquelle les bonnes prennent symboliquement leur revanche sur Madame, mais aussi l’une sur l’autre.
I. Une troublante scène de théâtre dans le théâtre
Solange joue le rôle de Claire, une domestique. Avant l’extrait, dans la didascalie qui ouvre la pièce, il est indiqué qu’elle porte « une petite robe noire » de domestique. Claire joue, quant à elle, le rôle de Madame, la maîtresse des deux bonnes. Dans cet extrait, elle porte une « robe rouge » qui offre au regard un contraste éclatant avec la robe de la fausse Claire. L’intrigue de cette scène de théâtre dans le théâtre repose sur la révolte de la domestique et la tentative de meurtre sur sa maîtresse.
Les noms qui précèdent les répliques permettent au lecteur de savoir que les personnages ne jouent pas leur rôle, mais les spectateurs n’ont pas cette indication. Tout au plus peuvent-ils éprouver un doute sur l’identité