Les clercs
Telle est depuis un demi-siècle l’attitude de ces hommes dont la fonction était de contrarier le réalisme des peuples et qui, de tout leur pouvoir et en pleine décision, ont travaillé à l’exciter; attitude que j’ose appeler pour cette raison la trahison des clercs. Si j’en cherche les causes, j’en aperçois de profondes et qui m’interdisent de voir dans ce mouvement une mode, à laquelle pourrait succéder demain le mouvement contraire.
Une des principales est que le monde moderne a fait du clerc un citoyen, soumis à toutes les charges qui s’attachent à ce titre, et lui a rendu par là beaucoup plus difficile qu’à ses aînés le mépris des passions iniques A qui lui reprochera de n’avoir plus, en face des querelles nationales, la belle sérénité d’un Descartes ou d’un Goethe, le clerc pourra répondre que sa nation lui met un sac au dos si elle est insultée, l’écrase d’impôts même si elle est victorieuse, que force lin est donc d’avoir à cœur qu’elle soit puissante et respectée ; à qui lui fora honte de ne point s’élever au-dessus des haines sociales, il représentera que le temps des mécénats est passé, qu’il lui faut aujourd’hui trouver sa subsistance et que ce n’est pas sa faute s’il se passionne pour le maintien de la classe qui se plaît k ses produits. Sans doute cette explication ne vaut pas polir le vrai clerc ; celui-ci subit les lois de la cité sans leur permettre de mordre sur son âme il rend à César ce qui revient à César, c’est-à-dire peut-être sa vie, mais pas plus ; c’est Vauvenargues, c’est Lamarck c’est Fresnel, auxquels le parfait accomplissement de leur devoir patriotique n’a jamais insufflé le fanatisme national ; c’est Spinoza, c’est Schiller, c’est Baudelaire, c’est César Franck que la poursuite du pain quotidien n’a jamais détournés de la seule adoration du beau et du divin. Mais ceux-là ne sauraient être que rares ; tant de mépris pour sa peine n’est pas la loi de l’humaine nature, même cléricale ; la loi, c’est que l’être condamné à