Les deux coqs
LE TEXTE :
Les deux Coqs
Deux Coqs vivaient en paix : une Poule survint,
Et voilà la guerre allumée.
Amour, tu perdis Troie ; et c'est de toi que vint
Cette querelle envenimée,
Où du sang des Dieux même on vit le Xanthe teint.
Longtemps entre nos Coqs le combat se maintint :
Le bruit s'en répandit par tout le voisinage.
La gent qui porte crête au spectacle accourut.
Plus d'une Hélène au beau plumage
Fut le prix du vainqueur ; le vaincu disparut.
Il alla se cacher au fond de sa retraite,
Pleura sa gloire et ses amours,
Ses amours qu'un rival tout fier de sa défaite
Possédait à ses yeux. Il voyait tous les jours
Cet objet rallumer sa haine et son courage.
Il aiguisait son bec, battait l'air et ses flancs,
Et s'exerçant contre les vents
S'armait d'une jalouse rage.
Il n'en eut pas besoin. Son vainqueur sur les toits
S'alla percher, et chanter sa victoire.
Un Vautour entendit sa voix :
Adieu les amours et la gloire.
Tout cet orgueil périt sous l'ongle du Vautour.
Enfin par un fatal retour
Son rival autour de la Poule
S'en revint faire le coquet :
Je laisse à penser quel caquet,
Car il eut des femmes en foule.
La Fortune se plaît à faire de ces coups ;
Tout vainqueur insolent à sa perte travaille.
Défions-nous du sort, et prenons garde à nous
Après le gain d'une bataille.
La Fontaine, Les fables, livre VII.
Commentaire composé :
La fable « Les deux Coqs » est extraite du livre VII des Fables de La Fontaine, recueil publié entre 1668 et 1693. Elle met en scène deux coqs qui se livrent combat pour une poule. Le vainqueur crie sa victoire sur tous les toits et se fait attraper par un vautour. Le vaincu revient finalement près de la poule et gagne l’admiration de toutes les autres poules. Cette fable assez courte livre une morale à travers un combat de gallinacés : chanter victoire peut s’avérer dangereux, et mieux vaut parfois rester discret. Cette fable, mettant en scène des animaux