Introduction
Ahmadou Kourouma (1927-2003), écrivain et diplômé en droit, reste l’un des écrivains de l’Afrique subsaharienne, qui est le plus connu par le grand public. Son premier roman Les soleil des indépendances (1968) a renouvellé la tradition romanesque du champ de la littérature de l’Afrique, peut-être même de langue française par sa langue « hybridisée » qui a malinkélisé le français d’une façon inédite à l’époque. De plus, il fut l’un des premiers écrivains de l’Afrique subsaharienne francophone qui a décrit une partie des crises sociales et identitaires qui accompagnaient la décolonisation et les indépendances en Afrique occidentale. À une époque où il était encore difficile de parler de la colonisation aussi bien que des indépendances sans se servir des absolus, Kourouma a insisté sur ce un problème fondamental qui frappe l’individu dans toutes sociétés quand des changements sociaux importants s’imposent, à savoir la lutte pour comprendre et s’adapter au nouveau. Il s’agit d’une lutte de se transformer en tant que sujet social – c’est-à-dire en tant que corps physique et être humain réfléchissant - d’un cadre à un autre, d’un langage à un autre. De telles « traductions » ne sont pas faciles n’importe ce que nous promettent les idéologies qui nous les amènent.
Cette problématique de la traduction sociale et des luttes émotionnelles, politiques et sociales qui s’ensuivent reste un trajet essentiel qui parcourt toute son oeuvre. Dans Monnè, outrage et défis (1990) c’est la traduction sociale imposée par l’arrivé des colons français en Mali au début du dixneuvième siècle qu’il nous décrit et ceci à travers les yeux du peuple du royaume de Soba. Ensuite, dans En attendant le vote des bêtes sauvages (1998) c’est la traduction entre plusieurs logiques sociales et leurs jeux de pouvoir politique qui rend son récit sur le dictateur Koyaga (modèle d’Eyadéma du Togo) si intéressant. Finalement, Allah n’est pas obligé... (2002) et Quand on refuse, on dit non